Contact
Je me suis inscrit sur Monmec.com version gay. Je suis tombé dessus par hasard, depuis une publicité lue sur l’un des nombreux blogs de voyeurs que je visite régulièrement. J’avais entendu parler de ce site de rencontres, comme tout le monde. Il semble avoir détrôné pas mal de sites du même genre sur la Toile et fait régulièrement l’objet d’articles dans la presse grand public. Mais je ne savais pas qu’il existait une version pour les homos. C’est le 24 décembre et je suis là, seul chez moi, à me morfondre. Je hais les fêtes de fin d’année. Depuis l’an dernier où j’ai été largué par ce que je croyais être l’homme de ma vie… Comme pour tout site de rencontre, il suffit de quelques clics pour s’inscrire, sans rien débourser. Il me semble que celui-ci est plus sérieux que tous les autres que j’ai déjà testés, aussi j’essaie d’être le plus précis et le plus honnête possible sur ce que je suis et sur mes attentes. J’hésite. Je veux absolument faire des rencontres pour trouver à nouveau le grand amour et j’en ai assez des moments d’un soir. Je rédige donc les quelques lignes de mon profil, censées attirer le chaland, dans ce sens. Mais, au moment de valider, je ne peux m’empêcher de rajouter que je suis quand même ouvert à toute proposition de simple instant de sexe. On ne sait jamais. Et puis je me dit que c’est comme ça que j’avais rencontré mon précédent P’tit gars. Je cherche, parmi la dizaine de photos que j’ai prises avec ma webcam, un portrait de moi qui ne me dégoûte pas trop. J’en sélectionne deux en fait, histoire de montrer ma tête : juste ce qu’il faut pour que celui qui tombera dessus ait envie d’en voir plus…
Mon inscription validée, je surfe sur le site. Je suis surpris du nombre de personnes qui est connecté en cette veille de Noël. Je ne suis manifestement pas le seul à jouer les solitaires en de telles circonstances. J’en profite pour poster quelques messages à de parfaits inconnus dont le profil est suffisamment rempli et qui ont eu la bonne idée d’afficher leur plus beau portrait ! Je prends beaucoup de soin à rédiger ce premier message. Je veux à la fois faire bonne impression, glisser juste ce qu’il faut de pointe d’humour, ne pas paraître trop pathétique à lancer ainsi une bouteille à la mer et susciter avant tout l’envie que l’on me réponde. En le relisant, je ne suis pas mécontent de moi et je clique pour le poster. En continuant de passer en revue plusieurs figures d’autres membres, je choisis de ne pas trop me casser la tête : mon premier message m’a suffisamment mobilisé les neurones pour décider de rentabiliser mon « travail intellectuel » ; j’effectue donc un savant copier-coller et poste un texte identique à tous mes correspondants, en me disant qu’au moins l’un d’entre eux choisira quand même bien de me répondre…
25, 26 décembres passent. Les repas de famille m’ont mobilisé – et bien gavés. J’ai pris au bas mot un bon kilo ! Ce n’est pas fait pour affiner ma silhouette et attirer l’homo que je sais sourcilleux sur le physique de ses amants… Je me re-connecte sur mon nouveau site de rencontre préféré qui est censé m’apporter, à l’instar du Gros bonhomme rouge ridicule, l’amour au pied du sapin. Surprise. J’ai reçus deux messages. Pas de ceux à qui j’ai écrit, mais ça me semble être malgré tout un bon début. Tous les deux ont publié leur photo. Ils ne m’attirent ni l’un ni l’autre. Je ne peux toutefois m’empêcher de leur répondre ; je me dis que je me dois de rester courtois, en espérant que ceux à qui j’ai moi-même écrit auront les mêmes égards pour moi.
Pour l’un d’entre eux, le dialogue s’instaure. Il est originaire de LYON. Soit totalement à l’opposée de chez moi. Très vite, nous échangeons nos adresses MSN. Il ne me plaît décidément pas, mais il a pas mal d’humour : ça me change de d’habitude. Il tente toutes sortes d’approches, histoire de me convaincre qu’il est fait pour moi. Mais non. Je suis toujours soucieux de ne pas remballer l’autre trop brusquement, aussi je ne sais comment m’en dépêtrer. Entre temps, je reçois d’autres messages postés sur Monmec.com. De tout. Beaucoup d’hommes d’origine africaine, soit habitant en France, soit implantés dans un des nombreux pays d’Afrique. Je sens l’arnaque et j’ai peur de servir d’hameçon pour une immigration facile déguisée en histoire d’amour. Fichue ambiance sécuritaire du pouvoir réactionnaire en place au sommet de l’Etat, qui déteint sur le citoyen que je suis ! Beaucoup de correspondants plus âgés que moi aussi, à qui j’ai dû taper dans l’œil avec ma photo. Si je me gausse fréquemment de la discrimination anti-vieux qui caractérise le milieu gay, j’avoue que je ne suis pas prêt à fréquenter un homme de dix ans mon aîné. Je m’astreins néanmoins à leur répondre que je ne suis pas intéressé et que je leur souhaite bonne continuation ; je me dis que je leur dois au moins ça : beau et bien élevé, voilà à côté de qui ils passent ! yerk, yerk, yerk…
Au fil de la semaine, si les messages ne sont pas abondants, ils n’en continuent pas moins de me parvenir, soit sous forme de mot envoyé, ou bien de « coups de cœur » qui me sont signifiés, ou encore de sélection de ma fiche dans leurs « contacts ». Serais-je devenu soudainement populaire ?! Je poursuis pour ma part la recherche du profil idéal, de celui qui saura faire battre mon cœur. Je trouve que ce site de rencontre est différent des autres, source de contacts plus fréquents – tout le monde ou presque n’est-il pas là pour trouver l’âme sœur ? – et de têtes que l’on ne voit pas sur les autres sites. C’est comme ça que je consulte, le soir du 31 décembre, la fiche d’un homme qui habite dans mon département, à quelques 20 km de chez moi et qui a mon âge. Son message publié sur son profil se résume à savoir si des musiciens sont inscrits sur le site. Bien que moi-même simple amateur en la matière, et encore, très peu doué, je tente ma chance en m’essayant à répondre à sa question par un trait d’humour…
Lui comme moi étant seuls – moi en tout cas une nouvelle fois un soir de fête – j’ai envie de lui proposer de converser ensemble, pour partager nos solitudes respectives. Mais je découvre, assez désagréablement, que je suis limité en nombre de messages envoyés sur Monmec.com. Eh oui ! ils savent y faire, les bougres… Au bout d’un certain nombre de correspondances, il faut bourse délier pour pouvoir communiquer avec ses semblables. J’enrage ! Je risque de passer à côté de l’homme de ma vie, qui sait, de mon Prince charmant, un soir de 31 en plus, et, pour une vulgaire histoire d’abonnement payant à souscrire, je suis empêché de dialoguer… Mais que fait la police ?! Tant pis. Je n’ai pas envie de payer près de trente euros pour me retrouver le bec dans l’eau, si ça se trouve, ayant trop espéré pouvoir nouer contact avec quelqu’un qui, certes, me plaît, mais dont je ne suis absolument pas certain que la réciproque est vraie. Je re-tenterai ma chance le lendemain ou le surlendemain, persuadé que cette limitation aux envois de mails n’est que temporaire.
De toute façon, je me suis convaincu, quelques jours auparavant, que je ne passerai pas la Saint-Sylvestre tout seul dans mon coin comme les années précédentes, mais que je profiterai de la soirée organisée dans un bistrot réservé aux gays de la régions pour réveillonner et m’amuser un peu. Qui sait si ce ne sera pas dans ces circonstances que j’arriverai à trouver chaussure à mon pied… Il se trouve cependant que je bosse ce jour-là. Et que, pour que l’ambiance soit au rendez-vous, il ne faut pas se pointer trop tôt dans la soirée. Je dispose donc de deux bonnes heures à trouver pour m’occuper en attendant de rejoindre la ville et ses folies. Je prends grand soin de m’habiller avec la tenue qui saura me rendre branché sans paraître trop ridicule, vu mon âge et mon style. Fin prêt, mais largement en avance sur l’horaire, je me cale dans un fauteuil, lampe tamisée, avec l’idée de piquer un roupillon, après une journée de travail bien remplie, pour mieux être en forme pour le restant de la nuit. Las. Je m’endors copieusement et ne me réveille que tardivement. Encore dans les vapes, je n’ai plus le courage de sortir, de prendre la voiture et de retrouver de parfaits inconnus dans un bar, alors même que je ne bois pratiquement pas ! Je suis bon pour me déshabiller, quitter ma tenue de futur ex play-boy et de me pelotonner dans mon lit – mon grand lit toujours aussi vide et froid…
Lendemain 1er janvier. Connexion à l’ordinateur. Je file sur le site de Monmec.com. Mince alors… Mon beau musicien m’a répondu. Tandis que je lui avais demandé si le fait d’être musicien du dimanche, ça marchait quand même – réponse à sa question sur la présence éventuelle de musiciens sur le site – en précisant toutefois que ce n’était peut-être pas terrible comme méthode d’approche, ma réplique a permis de le harponner et il me répond en me demandant ce que doit être la bonne méthode d’approche en général… Je sens l’excitation me gagner et je réplique aussi sec que je ne la connais pas et que c’est bien là mon problème. Et j’en profite pour faire celui qui s’intéresse ; je lui demande donc de quel instrument il joue. Mais il n’y a pas, Monmec.com bloque bien les messages à partir d’un certain nombre envoyé depuis la date de mon inscription et, si je veux voir déboucher quelque-chose de cet échange naissant, je suis bon pour mettre la main au porte-monnaie. Je m’acquitte donc de la somme réclamée pour un abonnement payant, après avoir étudié toutes les formules proposées en retenant la moins coûteuse et celle à la durée la plus courte, en espérant ne pas avoir à faire long feu sur le site. J’ai néanmoins le plaisir de voir que mon investissement a payé – c’est le cas de le dire – puisque le lendemain, je découvre un nouveau message de mon musicien préféré. Ce dernier joue du piano et me précise que, généralement, lorsqu’il l’annonce, ses interlocuteurs lui rétorquent qu’eux savent jouer du pipeau… Sans doute se croient-il irrésistibles ?! En plus, il conclut en me communiquant son prénom. Olivier.
Un pianiste. Et en plus il se prénomme Olivier. Et ses photos le montrent très, très séduisant. Que demander de plus ? Je le lui dis sans détour, ajoutant que je suis prêt à signer les yeux fermés devant Monsieur le Maire, puisqu’il a tout ce qu’il faut pour me plaire ! Je lui donne mon adresse MSN en espérant qu’il appréciera de pouvoir dialoguer ainsi plus facilement qu’en transitant par le site, avec à chaque fois une journée ou deux de décalage. Je clique pour envoyer mon nouveau message, fébrile à l’idée qu’une belle histoire risque ainsi de débuter. Mon horoscope – je devrais dire plutôt mes horoscopes : tous ceux que je me suis amusé à lire dans les différents journaux que me sont tombés sous la main – mentirait-il ? 2009 m’offrirait-il l’opportunité de retrouver les sensations si délicieuses d’un cœur qui bat pour un homme ?










