Chap. XII
Le repas fini, Cyrille manifeste son intention de s’en retourner chez lui. Naturellement que ce que je redoutais est arrivé. Le prince charmant qui étreint la Belle au bois dormant et lui exprime son amour, à grand renfort de baisers, ça n’arrive que dans les contes, jamais dans la réalité… L’orage est passé et même si le sol est encore humide, la route est praticable, même en vélo. Mon prince charmant à moi n’a donc qu’à enfourcher le sien et à repartir comme il est venu. J’en ai la gorge nouée. Mais impossible de faire la trogne au risque qu’il n’y ait jamais plus d’autre fois ; je pourrais aussi, bien sûr, tenter de le retenir en lui déclarant ma flamme comme on dit dans les livres, mais ce n’est pas si évident que ça, j’ai peur de rompre le charme et, pour tout dire, de me prendre un râteau, ce qui risquerait, outre à mon amour-propre d’en prendre un coup – mais ça, ce n’est pas le plus grave – d’éloigner définitivement Cyrille de moi, effrayé qu’il pourrait être par l'amour que je lui offre mais qu’il ne partage peut-être pas.
Je le laisse donc partir, après avoir échangé une poignée de main franche et chaleureuse. J’ai l’habitude, lorsque je serre un main – de quelqu’un que j’apprécie ça va sans dire – d’exercer une légère pression avec le pouce sur la paume de sa main, comme pour renforcer le toucher et souligner, telle une caresse, toute l’estime ou l’affection que je peux porter à mon interlocuteur. Et je m’aperçois souvent que ce geste est reconnu et apprécié ; dans le cas présent, c’est la première fois que l’on se touche la main, Cyrille et moi. Jusqu’à présent, nos bonjours n’étaient que verbaux. C’est donc un contact physique, qui pourrait paraître anodin, mais qui pour moi ne l’est pas… Cette poignée de main, elle s’accompagne entre nous d’un regard porté l’un à l’autre, droit dans les yeux. Peu de paroles sont finalement échangées entre nous : mon sempiternel « merci » que je place à tous les coins de phrase, qui témoigne de mon réconfort de ce que mes interlocuteurs ont daigné me consacrer un peu de leur précieux temps – son « merci » à lui, expressif et appuyé, sans fioriture mais manifestement sincère pour le temps passé ensemble aujourd’hui.
Son départ me laisse nerveusement épuisé, intérieurement vidé. Un grand désert m’envahit. C’est maintenant que je réalise véritablement le bonheur que m’offrait sa présence, chez moi, toute cette longue journée à ses côtés. Souvent, c’est lorsque ce bonheur disparaît qu’on réalise la chance qu’on avait ; on se remémore tous les événements survenus, ces petits riens, ces mots échangés, ces expressions, ces regards, ces attitudes qui reviennent en mémoire et qui accentuent la saveur des instants vécus. Ils soulignent alors plus fortement que les meilleures choses ont une fin et que, là, en ce moment précis, et bien... Cyrille est parti, et que ce que j’espérais n’a pas eu lieu : non, il n’est pas raide dingue de moi au point de ne plus vouloir me quitter, ; oui, nous avons passé un bon moment ensemble, à son initiative, mais « en toute amitié » – l’expression qui tue lorsque l’un aime l’autre d’amour et que l’autre, justement, n’aime l’un que « bien » ou « beaucoup » et non pas l’aime « tout court »… Mon esprit est soudain envahi d’un indicible spleen, d’un cafard monumental, qui me donnerait presque envie de pleurer – ce que je me retiens pourtant de faire. Finalement, heureusement que la maison est vide : si une autre personne était présente à cet instant, je serais exécrable avec elle ! Il vaut mieux que personne ne me voie dans l’état mental dans lequel le départ de Cyrille me plonge. Je me réinstalle dans un fauteuil : rien à voir à la télévision, aucun programme intéressant à la radio, Internet ne m’attire pas – il serait le miroir trop cruel du vide sexuel et sentimental de ma vie amoureuse… Le soir étant tombé, je me contente d’allumer un petit abat-jour dans la pièce et de repasser, sur la hi-fi, un disque laser de grands airs de musique classique, propres à renforcer ma mélancolie, mais qui, paradoxalement, arrivent à me calmer. Au bout de soixante minutes de ce régime déprimant, je monte me coucher. Seul. Comme d’habitude.
Vendredi. Jour de travail, dernier jour de la semaine. Finalement, heureusement que je travaille, plutôt que d’être en congé : ça me permet de me vider l’esprit de mes déceptions, pour me consacrer à mes soucis de boulot. La journée est même particulièrement chargée et, comme tous les jours, épuisante nerveusement, me laissant, le soir, sur les rotules. En m’approchant de ma voiture pour rentrer chez moi, voiture garée au même endroit que la veille, cette fois j’ai beau regarder à droite et à gauche, il n’y a plus le vélo appuyé sur le véhicule d’à côté, plus cette silhouette adossée sur sa portière accompagnant cette voix de rêve qui me faisait la surprise – et l’immense joie – de me proposer de passer la journée – la soirée – ensemble. Comme dans ces films au cinéma où mari et femme sont toujours heureux de se retrouver , l’un après une journée harassante – forcément toujours harassante – de travail, l’autre après avoir vaqué aux multiples tâches domestiques, mais néanmoins palpitantes !… Mais non, il n’y a personne et je dois me résoudre à monter en voiture et à m’en retourner à la maison. Seul. Où personne ne m’attend pour – comme au cinéma – me demander comment s’est passée ma journée, pour manifester sa joie de me retrouver, après m’avoir vu partir le matin, pour me servir un verre de scotch ou toute autre boisson alcoolisée apéritive, pour me masser la nuque et les épaules, amoureusement, tout en se passionnant pour le récit de mes péripéties de bureau… Non là, bon c'est vrai, j’en fais un peu trop ! je ne souhaite pas spécialement que chacun de mes retours du travail se vive comme je les décris, jour après jour, mais il est vrai que je suis en manque d’une présence, de SA présence.
Il pleut. Il ne manquait plus que ça. Des trombes d’eau. Décidément, le temps, lui aussi, se met au diapason de mon humeur ! Arrivée à la maison. Telle quelle est configurée, je peux en faire le tour avec la voiture, pour la garer sous une remise et accéder à l’intérieur par la porte arrière, celle qui donne directement dans la cuisine.
C’est en terminant ce petit tour de voiture, en m’engageant sous la remise, simple auvent, qu’une ombre apparaît en pleins phares, se détachant de l’embrasure de la porte arrière de la maison. Le vélo aussi est là, appuyé au poteau de soutènement de la remise, qui me gène pour ma manœuvre. La présence des deux m’a fait sursauter. La silhouette est trempée, ruisselante d’eau. Elle déplace la bicyclette. Je gare la voiture, coupe le moteur, sort précipitamment. « - Qu’est-ce qui se passe ? »
Cyrille, c’est lui, me tombe dans les bras, dégoulinant, mouillé des pieds à la tête. Il fait plus que tomber dans mes bras, il s’y blottit. Je ne comprends toujours pas, je crois à un événement grave, à une mauvaise nouvelle, à la mort d’un de ses très proches peut-être. Il ne dit rien.
La scène est surréaliste. Au cinéma, elle ne serait pas crédible. Elle n’est digne que d’un (très mauvais) romain à l’eau de rose. Elle dure quelques secondes. Aucune parole n’étant toujours pas prononcée de sa part en réponse à ma question initiale, je me sens obligé de me dégager de son étreinte et de le faire rentrer. J’ouvre la porte et la lui fais passer avant de lui emboîter le pas. Je la referme derrière moi. J’ai allumé le plafonnier. Ca me permet de mieux le détailler ; il est réellement trempé : cheveux dégoulinants, collés sur le sommet de son crâne, tee-shirt et pantalons plaqués contre sa peau par l’eau, chaussures de sport imprimant la trace de leur semelle sur le sol à chaque déplacement, mains mouillées le long du corps, bras ballants. Et toujours aucun mot.
L’angoisse m’envahit. Le pire est arrivé, qui l’empêche de s’exprimer : ami, parent, proche, amoureux (?) décédé – catastrophe ou événement irréparable, qui l’ont brisé ; j’échafaude toutes sortes d’hypothèses. Tant pis pour l’amour. L’amitié qu’il paraît m’avoir offerte la veille est là, qui doit s’exprimer dans ce moment difficile – tant pis pour le verre de scotch ! tant pis pour le massage apaisant de fin de journée exécuté par une épouse attentive et compatissante !...
Avec douceur, je lui dis la nécessité qu’il ne prenne pas froid, qu’il doit se changer, revêtir des vêtements secs et chauds. Je m’approche de lui. Je lui demande qu’il veuille bien me laisser faire, que c’est nécessaire. Je lui dis que ça va aller. Je lui prends la tête entre mes deux mains, je lui dépose un baiser avec compassion sur le front. Je lui demande de ne pas bouger, que je monte à l’étage récupérer une serviette-éponge, que je reviens dans un instant, qu’il veuille bien m’attendre, que je ne serai pas long.
Un détour par le vestibule, je me déchausse, pose mon trousseau de clefs. Monte à la salle de bain. Prends la serviette de bain. J’en profite pour tomber la veste, rapidement jetée sur le fauteuil. Je redescends aussi sec, rapidement, en silence, mes déplacements seulement soulignés par le craquement du parquet de l’étage.
Me revoici en cuisine. Cyrille n’a pas bougé. Je lui essuie délicatement le front, les cheveux, le visage. Comme si je maniais de la porcelaine, fragile et précieuse. Comme si, de mes gestes attentifs et précis, dépendait la suite des événements. J’essuie ensuite son cou, écartant légèrement l’encolure de son tee-shirt. Puis ses mains, ses bras et jusqu’à ses avants-bras, laissés dégagés par son vêtement à manches courtes. L’un après l’autre. Il a de belles mains, fines, des ongles soignés. Des bras duveteux sans être poilus, musclés sans être puissants.
Je lui murmure la nécessité de se déchausser, pour pouvoir ensuite monter avec moi à l’étage, se changer et revêtir des habits propres que je lui passerai. Ajoutant dans un sourire qu’ils ne seront naturellement pas à sa taille, puisque je suis « une grande saucisse », de corpulence bien plus grande que la sienne – qu’il veuille bien me pardonner pour cette « disgrâce » dont la nature m’a affublée. Mais je n’obtiens pas de réaction autre qu’un pâle plissement de la commissures de ses lèvres. Ce que je prends pour un acquiescement à ma suggestion.
Je m’agenouille donc à ses pieds et j’entreprends de délacer ses chaussures. Je le déchausse, un pied après l’autre. Je me relève, m’empresse de retourner dans le hall pour dénicher une paire de chaussons qui lui éviteront de devoir marcher pieds nus sur le carrelage. Je reviens à ses côtés. Le forçant légèrement à plier les genoux, auxquels collent toujours ses pantalons, imbibés d’eau, je lui ôte ses chaussettes blanches et lui sèche ses pieds, avant de les chausser de ma paire de chaussons dégottée juste avant. Accomplissant ces gestes avec lenteur et application, accroupi à ses pieds, je dois avouer qu’un léger durcissement se manifeste dans mon entre-jambes… une certaine excitation ayant envahi mon esprit à la vue de ses pieds portant chaussettes de sport – je trouve ça
très sexy, bien plus d’ailleurs que des pieds nus – mais je chasse très vite ces pensées que d’aucun qualifieraient d’honteuses, particulièrement en cet instant où je ne sais toujours pas ce qui a mis Cyrille dans cet état de prostration totale.
Je me relève et me penche à son oreille pour l’inviter maintenant à me suivre : nous allons monter dans ma chambre ; il pourra se dévêtir, finir de s’essuyer et je lui prêterai du linge sec. Nous pourrons ensuite discuter ensemble, tandis qu’il sera plus à l’aise. Je passe devant, serviette sur l’épaule, et lui demande de me suivre. Mais après trois pas, je m’aperçois qu’il n’a pas bougé d’un iota. Je fais donc demi-tour et, m’approchant de nouveau de lui, je le prends par les épaules pour le faire pivoter, doucement, dans le sens de la marche ; ceci fait, je lui prends la main, que je tiens bien serrée, et, tel un enfant qu’on accompagne au portail de la cour pour son premier jour d’école, je le tiens près de moi, marchant côte à côte, lentement, jusqu’au bas de la rampe d’escalier. Je lui lâche alors la main : il n’est pas possible de monter les escaliers à deux de front. Je prends donc les devants. Mais, tandis que je commen ce à gravir les marches, il reste planté en bas, sans bouger. De plus en plus inquiet par tant de volonté annihilée, je redescends et, lui reprenant la main, je l’aide à monter, marche après marche, les escaliers. Je l’amène ensuite dans ma chambre, le laissant planté là, le temps de tirer du placard un autre tee-shirt, une paire de jeans, une paire de chaussettes et un slip – je sais qu’il ne porte que ça pour l’avoir constaté, semaine après semaines, chaque mercredi soir de l’année passée au cours duquel nous nous étions retrouvé pour nos cours d’escrime.
Le voyant toujours sans énergie, je m’inquiète de savoir s’il veut se changer seul ou s’il préfère que je l’aide, s’il souhaite que je me retire pendant ce temps, lui proposant seulement de me prévenir si les vêtements choisis ne sont pas à sa taille ou pas à son goût. Mais une nouvelle fois en l’absence de toute réaction, craignant par ailleurs pour mon parquet qui risque de ne pas se remettre de l’eau qui ne cesse de suinter de ses vêtements, je décide de continuer à prendre les choses en main et, empoignant le bas de son tee-shirt, toujours dégoulinant, je le lui retire en le retournant, en forçant pour cela Cyrille à lever les bras vers le ciel ; ceux-ci retombent aussitôt, lourdement. Je vais porter ce tee-shirt à la salle de bain, l’abandonnant dans le lavabo en attendant d’avoir le temps de l’essorer. Je reviens dans la chambre, pour essuyer avec ma serviette son torse désormais mis à nu. Il est toujours aussi parfaitement dessiné, sa musculature affleurant sous mes doigts. Devant, derrière, sur et autour des épaules, sous les bras, dans le dos, le long de sa colonne vertébrale, j’essuie chaque partie de ce corps, méticuleusement, avec douceur, la serviette d’une main, l’autre main plaquée à même la peau de l’autre côté du buste pour mieux le maintenir.
Après quelques secondes d’hésitation, tout en le frictionnant avec ma serviette, je décide de ne pas lui enfiler le tee-shirt sec tout de suite, voulant jouir – idée perverse et si peu charitable en cet instant de douleur muette – de la beauté de son corps, rendu nu petit à petit sous mes doigts.
D’un regard porté vers ses yeux, je scrute l'expression d’une éventuelle volonté de poursuivre, cette fois seul, sans mon aide. Mais toujours en l’absence de réaction, je décide de m’attaquer aux pantalons. Dégrafant sa ceinture, je le déboutonne, puis déroule sa fermeture–éclair. Je suis légèrement accroupi, le nez et les yeux à hauteur de son nombril. La toison pubienne y remonte en filet sombre, dépassant de dessus l’élastique de son sous-vêtement.
Délicatement, ne voulant pas le déculotter inutilement, ni l’effrayer du même coup, j’ôte son pantalon, lui faisant passer le rebondi de son fessier, qui n’est pourtant pas spécialement proéminent, mais au contraire ferme et superbement découpé, comme toutes fesses de sportif digne de ce nom. Je sais ce qui se cache sous son slip, devant comme derrière, l’ayant à plusieurs reprises apprécié sous les douches des vestiaires de la salle d’escrime.
Le sentant tanguer au moment de lui faire retirer les jambes de pantalons, je m’accroupis de nouveau à ses pieds et, plaquant mes épaules contre ses jambes, je lui fais plier les genoux, l’un après l’autre, tirant vers le sol ses pantalons. Je sèche ses mollets, ses jambes et ses cuisses, poilues mais fermes et musclées ; c’est un délice qui glisse sous mes doigts !… J’attrape ensuite la paire de chaussettes que j’avais sortie du tiroir, la détache et tente, plus ou moins maladroitement de les lui enfiler, chacune de ses jambes adossée à mes épaules, mon bras enroulé autour de ses mollets, tentant tant bien que mal d’éviter de lui faire perdre l’équilibre – et à moi aussi – essayant aussi, par mes gestes, de ne pas le brusquer. Mais je me heurte toujours pour l’instant à une absence totale de réaction de sa part.
Encore accroupi, je relève ma tête dans sa direction, pour l’interroger sur l’état de son slip. Est-il mouillé au point qu’il veuille le changer ? Je sais, pour l’avoir vécu, qu’il souhaite être au propre en la matière. Une fois que j’avais participé au cours d’escrime ancienne du jeudi soir, dite escrime de duel, à l’invitation du maître d’armes pour voir en quoi cette pratique consistait et variait de l’escrime sportive traditionnelle – je n’ai d’ailleurs pas aimé ce type de combat – j’avais rejoint, en fin de cours, Cyrille dans le vestiaire, pour nous changer. Ayant peu combattu ce soir-là, je n’avais pas ressenti le besoin de me doucher et je m’étais rhabillé sans attendre. Mais lui avait souhaité passer sous l'eau. Or, déjà nu, il s'était aperçu qu'il avait oublié son sac dans la salle d’armes. Ne voulant pas se rhabiller pour aller le récupérer, pour se déshabiller ensuite de nouveau, il m’avait demandé de lui prêter ma serviette et mon gel-douche ; ce que j’avais consenti bien volontiers, l’attendant, tout habillé, sur mon banc, face à lui, jouissant ainsi du spectacle qu’il m’offrait. Pendant son passage à la douche, je m’étais alors absenté pour aller lui rechercher son sac de sport, sachant très bien duquel il s’agissait. A son retour, il avait pris le temps de s’essuyer devant moi, puis de replier ma serviette, exactement comme je la lui avais donnée (c’est-à-dire pliée en six sur elle-même) ; nous en avions alors plaisanté ! Mine de rien, ce temps de pliage lui avait donné l’occasion, volontaire ?, de se pavaner nu devant moi. Puis il s’était rhabillé, enfilant ses sous-vêtements, slip et chaussettes, marqués de sueur. Ensuite seulement, il s’était aperçu de la présence de son sac, que j’avais déposé sur le banc près de lui ; il s’en était étonné auprès de moi. Je lui avais alors signalé que j’était allé le rechercher. Il m’avait remercié chaleureusement et s’était exclamé qu’il pourrait finalement enifler slip et chaussettes propres, plutôt que de conserver sur lui les sales. Et aussitôt de se re-déshabiller, ôtant slip d’abord, chaussettes ensuite, tout en conservant son tee-shirt !… puis en enfilant chaussettes d’abord, slip ensuite et le reste de ses habits. Tout en conversant avec moi, de tout et de rien. Ce qui m’avait estomaqué - spécialement sa volonté de se re-présenter nu devant moi, voyant bien que je ne le quittais pas des yeux, et surtout ce qui m’avait frappé, c’était l’ordre dans lequel il s’était d’abord déshabillé, puis rhabillé, restant le sexe à l’air le plus longtemps possible !
Ce soir, son slip est vraiment mouillé : l’eau a d’abord transpercé le tissu de ses pantalons, en simple toile d’été, avant d'imprégner entièrement le sous-vêtement – ce ne sont pas de simples auréoles susceptibles de sécher au contact de la peau et de la température du corps. Or, je suis embêté car, si c’est moi qui lui enlève son slip, il va falloir essuyer sa peau : s’il accepte de le faire, pas de problème, mais si je dois le faire, moi, comme j’ai essuyé les autres parties de son corps jusqu’à présent, je vais forcément devoir toucher son sexe. Naturellement, ce n’est pas pour me déplaire, mais c’est un geste qui n’est absolument pas anodin. Et dans les circonstances présentes, je ne suis pas sûr qu’il serait sans conséquence sur nos relations : mon souci premier reste toujours et encore de conserver des liens durables avec Cyrille, qui ne soient pas irrémédiablement coupés à la suite d’une malencontreuse initiative. A toute vitesse, mon cerveau analyse la situation et étudie les différentes possibilités qui s’offrent à moi. Finalement, je me dis qu’il n’est point besoin que je m’escrime

à essuyer ses parties génitales dans leurs moindres recoins : la serviette passée entièrement autour de son bas-ventre, en insistant plutôt sur l’essuyage des fesses, tout en orchestrant savamment un mouvement d’ensemble, devrait permettre de sécher le tout sans trop m’appesantir sur le devant et tant pis si, en lui enfilant un slip propre, « tout » n’est pas entièrement sec.
J’opte donc pour cette tactique, qui me semble sauver l’honneur et la bienséance pour nous deux. Et puis advienne que pourra. Après tout, je fais ce que je peux, n’étant finalement guère soutenu – encouragé ou découragé – par Cyrille dans cette histoire. D'accord, je ne sais pas quel événement l’a complètement abattu moralement et pourtant il l’empêche de réagir normalement. Mais il me semble que je n’abuse pas, pour ma part, de la situation, du moins je pense ; c’est vrai, quoi, après tout ! je ne lui saute pas dessus, je ne le viole pas en le déshabillant de la sorte, en le séchant, et en le rhabillant...