Chap. XII
Nous restons tous les deux, tous les trois, dans cette position serrés les uns contre les autres, pour ne pas dire serrés les uns sur les autres, pendant un bon moment. Ni Quentin ni moi ne dormons, ni même ne voulons dormir. Quant à Damien, il faut croire qu’il a le sommeil profond puisque aussi bien nos discussions – bien qu’à voix basse – que l’agitation dans la tente avec la venue d’un troisième campeur ne l’ont réveillé semble-t-il : il est toujours contre moi, sa tête et son bras posés sur moi. Je ne sais pas l’heure qu’il est. Je sais juste que je n’ai pas envie de me rendormir, du moins pas pour l’instant. Les tout derniers événements de la nuit encombrent mon esprit et m’incitent à réfléchir : le départ de Sandra, puis de Jennifer, puis de Mélanie, le fait que nous ne nous retrouvions plus que tous les quatre, quatre garçons, que cette situation est dans une large mesure ma faute, avec ce fichu plan d’Hélène de vouloir que je filme ce week-end, Hélène justement, parlons-en, qui, elle, n’est pas venue du tout, la réponse de Quentin à mes excuses piteuses, le fait qu’en ce moment même il soit tout contre moi, nu, comme Damien est lui-aussi nu, chacun de part et d’autre et moi au milieu,…
J’ai froid ! Voilà ce que vient de me chuchoter Quentin, visiblement pour la seconde fois, vu que j’étais perdu dans mes pensées. Pour quelqu’un qui dort nu la nuit, qui nous a imposé de dormir sous la tente, alors même qu’en ce début du mois de juin la température extérieure n’est pas franchement caniculaire, qui est un « vrai mec », « à femmes » – les « vrais » hommes, c’est bien connu, n’ont jamais froid, ni aux yeux, ni ailleurs – même si, bon, d’accord, sa meuf vient de le quitter ! Mécaniquement, je le presse une nouvelle fois tout contre moi. Mais ça ne lui suffit pas et il accompagne mon geste du bras en s’aplatissant carrément sur moi, faufilant ses deux bras sous mon dos et en me serrant ainsi bien fort, posant sa tête tout contre mon cou et ma joue, ses jambes glissées entre les miennes ou dessus… Même si j’apprécie la position, il n’en reste pas moins que Quentin m’écrase ainsi : m’écrase d’abord la bite, coincée entre ma jambe gauche et sa jambe droite, m’étouffe aussi, en s’appuyant sur mon ventre et sur mes poumons, me fait mal enfin par ses bras faisant obstacle dans mon dos, alors que le sol est déjà suffisamment cabossé ! Aussi, je ne tiens pas trois minutes dans cette position, malgré mon envie de poursuivre le plus possible cette étreinte inopinée. Et c’est comme ça que je ne peux me retenir de lui souffler dans un râle combien il me fait mal, accompagnant le geste à la parole, d’une manière instinctive, en tentant de me dégager. Ma volonté, c’est seulement de trouver une meilleure position, pour lui et pour moi, pas de le renverser ou de le chasser naturellement. Mais mon brusque mouvement de retrait ne conduit qu’à le faire basculer entre Damien et moi, réveillant ce dernier du même coup, dans un grognement bourru. Qu’est-c’qui s’passe ? C’est le signal qu’attendait Quentin pour reprendre de la voix. T’es réveillé ? Enfin ! C’est pas trop tôt ! Mon vieux, c’est l’heure ! Allez, debout ! Et joignant le geste à la parole, Quentin se met, d’abord à tâtonner tout autour de nous, histoire de mettre la main sur la lampe de poche, faisant comme exprès de palper nos visages, puis, l’ayant trouvée, il l’allume et la braque violemment successivement, d’abord sur Damien, puis sur moi, puis de nouveau sur Damien, ensuite sur moi, et ainsi de suite, poursuivant son petit manège, avec l’air de beaucoup s’amuser. Mais il s’arrêt’ra donc jamais, c'bouffon ?!… Quentin est maintenant accroupi, redressé sur ses deux genoux, la tête coincée au faîtage de la tente ; d’un coup sec, il tire à lui le duvet de Damien, découvrant son corps nu, et sa bite aussi, en semi-érection… Ah, mon cochon ! Tu f’sais un rêve érotique, c’est ça, hein ?! Ou alors, c’est d’Guillaume que tu rêvais ? Fais chier, Quentin ! J’ai pas pu m’empêcher de réagir, à l’idée de lui laisser penser, et de clamer surtout, que je pouvais être la source de cette érection bien normale d’un jeune mec de 18 balais, interrompu dans son sommeil. Et quand bien même j’en serais effectivement la cause, ce qui pour moi serait très flatteur, Quentin n’a pas à le dire de cette façon…
Fais chier Quentin ! Cette fois, c’est Damien qui râle : le corps découvert subitement, une sensation de froid l’envahit, lui parcourant le corps dans son entier, accentuée par un réveil provoqué qui le met de mauvais poil. Le fait de subir les rayons de lumière de la lampe de poche violemment braquée sur son visage ne sont pas pour arranger son humeur, non plus. Allez quoi, c’est pas la mort ! Oh, moins comm’ça, on va savoir que t’a pas une p’tite bite ! Et de passer son index sur la veinure de la bite de Damien, justement, depuis sa base, dans les poils de ses couilles, jusqu’à son gland, à peine décalotté !… Aucune réaction. Damien le regarde sans le voir ; est-il encore dans les brumes du sommeil ? Quentin persévère et recommence une seconde fois à frotter son doigt le long de la bite à Damien, retournée sur son bas-ventre. Cette fois, Damien réagit. Arrête, tu fais chier ! D’un mouvement léger du bassin, ce dernier repousse la main baladeuse de Quentin, qui n’en conserve pas moins son sourire en coin. Alors ? Heureuse ? T’es con ! La réplique mythique de Quentin a fait sourire Damien qui ne peut que s’amuser de ses pitreries, après avoir protesté pour la forme… Quentin qui se tourne alors vers moi, l’œil gourmand, s’étonnant que je sois en pyjama – en réalité en caleçon – alors qu’eux deux, Damien et lui, sont entièrement nus. Il en profite, d’un geste rapide, pour tirer mon caleçon d’un coup sec en bas de mes genoux, genoux sur lesquels Quentin est assis depuis un moment, me retenant ainsi prisonnier de tout mouvement. Pour ma part, là aussi je reste sans réaction. Ah, tiens tu bandes pas, toi ? J’aurais cru pourtant que j’te f’rais de l’effet quand même, non ? Ah non, vraiment, j’suis déçu… ! Et de tendre sa main au-dessus de ma bite, en lui imprimant des ronds dans l’air, comme des incantations, ponctuées d’un hummmm à la manière vaudoue ! Rien qu’avec mon esprit, j’suis capable de t’la lever ! Penché en avant sur moi, Quentin tente un coup de magie. Soudain, il abaisse sa paume et m’attrape la bite à pleine main, tirant dessus pour mieux l’élever. Tu vois qu’j’y arrive ! C’est magique, j’te dis !… J’éclate de rire, Damien aussi. Quentin me tient toujours la bite d’une main ferme, tirant dessus en tous sens, en imitant le vrombissement des avions. Je sens néanmoins, au bout d’un petit moment, le sang affluer à force d’être tripoté et ma bite commence à durcir. Je me recroqueville le bassin au maximum du sol, gêné par la tournure des événements. Quentin aussi a senti à travers la pression de ses doigts que ma bite se raidissait. Il la lâche alors et s’affale brutalement sur moi, manquant de m’étouffer totalement ; sa tête est à quelques centimètres de la mienne. Il me souffle sur le visage, me scrute des yeux, longuement, intensément, puis, aussi brusquement qu’il vient de se laisser tomber, il m’embrasse sur la bouche – carrément – sans y mettre la langue toutefois, avant de lancer à la cantonade « Et si on allait réveiller Sébastien ? »
Sébastien ?! Sébastien ?! Quentin hurle son prénom, après s’être relevé promptement et s’être de nouveau agenouillé sur mon ventre, sa bite à quelques centimètres de mon menton. Tu dors ?! Je ne peux m’empêcher de vouloir le faire taire – d’abord parce que je souhaite préserver le sommeil de « mon » Sébastien, ensuite parce que, dans le silence de la nuit, Quentin est en train de nous, de me casser les oreilles ! Sébastien ! Tu dors ?! Mes chut ! n’ont pour effet que de l'inciter davantage à s’égosiller. Tandis que rien ne bouge dans la tente voisine, Quentin se faufile vers la sortie, remonte la fermeture-éclair, ses couilles carrément plantées sur mon visage, et, y étant parvenu, il se coule dehors. Damien et moi, d’un même mouvement, nous nous retournons sur le ventre, bras plantés dans le sol, jetant chacun une tête dehors pour mieux observer la suite des événements. Quentin se retourne, fait une pirouette devant nous, une révérence aussi, et atteint le devant de la tente de Sébastien, en claudiquant d’un pied sur l’autre. Il commence par la saccader en beuglant son prénom, tant et si bien que Sébastien finit par répondre en lui demandant ce qu’il veut. T’es réveillé ? Evidemment qu’il ne peut que l’être vu le cirque qu’il vient de faire pour arriver à ses fins ! S’étant accroupi, Quentin tire la fermeture-éclair de la tente de Sébastien et y introduit une tête qu’il se met à secouer de droite à gauche comme une vache bêlante… Nous, évidemment, ça nous fait rire. Quentin retire sa tête de dedans la tente, tandis que Sébastien fait émerger la sienne dehors. Ss yeux sont encore embrumés, mais son sourire – légendaire ! – est déjà largement affiché sur son visage. Tu viens ?! Où ça ? Dans la tente. A Guillaume. A quatre tu vas voir, ça va être super ! Décidément, ce garçon ne doute de rien : entassés à quatre dans une canadienne deux-places… Se ravisant, Quentin se relève et crie à notre attention à tous les trois : « Le dernier à l’eau a un gage ! » Et il se met à courir en direction de la piscine ; manifestement, c’est un adepte des bains de minuit… et des gages aussi ! Tout surpris par sa réaction, il nous faut à tous les trois, encore engoncés dans les tentes et pour Sébastien dans son duvet, un certain temps avant d’émerger et de le suivre dans son délire. Nous nous regardons les uns les autres, avant de nous extraire. Une fois dehors, nous nous élançons et courons à notre tour vers la piscine dans laquelle nous plongeons dans un grand fracas d’eau. Elle est allumée par le sol, lui assurant des reflets bleutés d’un meilleur effet, et mettant au passage en valeur les attributs virils de Quentin, qui s’y trouve déjà, qui flottent au gré de ses mouvements… Comme l’après-midi d’hier, nous nous lançons dans de vastes moulinets à grands renfort de battements d’eau, s’aspergeant à qui mieux-mieux les uns les autres. Même Sébastien, qui n’est pourtant pas complètement réveillé, se prête au jeu. Cet épisode de franche camaraderie est l’occasion de poursuites tête sous et hors de l’eau, de marche en chenille bras tendus sur les épaules du voisin, à grands cris de Ah ! Ah ! Ah ! La queue leu-leu !, de farandoles encerclées bras dessus, bras dessous autour du cou, etc. Nous nous en donnons à cœur joie, comme des gamins de sept ans. Il ne nous manque plus que les bouées à tête de canard pour mieux barboter dans la piscine !
Lorsque nous ressortons de l’eau, après plus de trois-quarts d’heure à y patauger, aucune serviette ne nous attend pour nous permettre de nous essuyer. Le coup du bain de minuit n’était pas préparé et c’est au contraire le froid qui nous saisit. Quentin essaie bien d’attraper le premier linge qui lui tombe sous la main, mais il s’agit d’un torchon resté étendu après avoir servi à essuyer la vaisselle de la veille. Ce n’est pas avec ce petit carré de lin que nous allons pouvoir sécher nos quatre grand corps trempés ! Pourtant, après s’être rapidement égoutté, Quentin s’empresse de nous frictionner avec, d’abord le dos, puis les bras, puis le crâne en veillant bien à nous ébouriffer ! puis l’arrière des jambes, avant de se relever et, un bras plaqué autour de notre cou, de s’attaquer à notre torse, notre ventre, avant de passer la main et le torchon sur notre pubis et notre bite, s’attardant avec délectation… La nuit étant plutôt sombre, son petit manège n’est pas visible précisément. C’est d’abord à mon tour de subir – ou de bénéficier selon le point de vue à adopter – de ses attentions. Ayant terminé, Quentin me gratifie d’un baiser sur la joue, plus long qu’à l’ordinaire et je dirais aussi plus affectueux – à force de me tripoter et de me bisouiller à tout bout de champ, il va finir par me préférer à Mélanie ! C’est ensuite Sébastien qui a droit aux faveurs de Quentin. Sébastien qui paraît frigorifié. Et qui ne peut s’empêcher de sautiller d’un pied sur l’autre : la rapidité avec laquelle il a couru se jeter dans la piscine, pieds nus, et le contact de l’eau sous la voûte plantaire, ont rouvert ses blessures nées de son épisode sur les cendres du barbecue. Lui aussi a droit au baiser sur la joue, avant de se voir projeté dans mes bras. Tiens ! réchauffe-le notre p’tit cœur ! S’étant laissé surprendre, Sébastien s’effondre dans mes bras ; je le retiens de justesse en le plaquant contre mon torse, mes bras en étaux autour du sien. Il me marche sur le pied, de tout son poids. Je ne peux réprimer un sifflement de douleur. Désolé ! Non, non, c’est pas grave ! Il n’en reste pas moins blotti dans mes bras, sans manifester le désir de s’en dégager. Il a vraiment froid : il est tout froid ! Je lui glisse à l’oreille de se hisser sur mes pieds s’il le veut, pour atténuer le contact de l’herbe s’agglutinant à ses plaies vives. Il s’exécute en me lançant un large sourire en signe de remerciement. Quentin s’attaque maintenant à la grande carrure de Damien. Selon le même rituel : dos, bras, crâne arrière des jambes, torse, ventre, avant de finir sur son pubis et sa bite… Avec invariablement le petit baiser sur la joue en signe de conclusion. Sébastien a gloussé au moment du contact, du malaxage je devrais plutôt dire, de la main de Quentin avec sa bite – Damien, lui, a grogné, sans que son râle fût bien méchant…
Le ramenant vers nous en le tenant par le cou, son bras enroulé autour, Quentin passe son second bras autour de mon propre cou et, tournant la tête de l’un à l’autre, un grand sourire affiché aux lèvres, il nous entraîne, à petits pas, vers ma tente : il n’a pas oublié son idée de nous y entasser tous les quatre pour y passer le restant de la nuit.